Depuis 17 ans,
François Brélaz, ancien député, se rend régulièrement au Burkina Faso. A son retour les
images, les pensées tournent en boucle dans sa tête et un constat demeure. Les
conditions de vie pour la population ne s’améliorent pas. La forte natalité ne permet
pas d’absorber tous les jeunes dans le monde du travail. La précarité, le manque de
nourriture saine, les maladies ainsi que l’exploitation des plus faibles et la
corruption engluent le pays dans une spirale infernale.
Propos recueillis par
Dany Schaer
« A la fin de chaque
séjour dans le nord du Burkina, avant de prendre l’avion du retour, je vais faire des
photos à la carrière de granit de Pissy, à Ouagadougou. Elle est en exploitation depuis
28 ans. Certains y travaillent depuis le début et il n’y a aucun outil mécanique, tout
se fait à la main. Le spectacle est biblique, dantesque. Imaginez une excavation de 800
mètres de long, entre 80 et 200 de large et profonde de 100 mètres Au fond des hommes et
des femmes extraient la roche. Ils font brûler un mélange de ferraille et de pneus sur
le granit pour le fragiliser. La masse se fractionne en grands blocs qui sont ensuite
débités en pierres de 5 à 15 kilos. D’autres personnes prennent ces pierres, en mettent
3 ou 4 sur leur tête et les portent 100 mètres plus haut sur le bord de la carrière pour
un salaire de 70 centimes suisses par voyage ».
Un travail éreintant
et dangereux. Et parmi ces porteurs François Brélaz trouve Neimata, une fille de 16 ans
qui a quitté l’école il a 2 ans pour commencer à la carrière. Plus tard, il rencontre
deux autres filles de 17 ans qui font le même travail. Leur histoire est simple : « le
père de famille n’a pas de travail… (On peut évidemment se demander pourquoi ce n’est
pas le père de famille qui fait porteur de pierre…) Et aucune d’elles n’a un physique
herculéen. Une fois les blocs de pierre amenés à hauteur du sol par des sentiers
abrupts ils sont pris en charge pour être réduits en petits morceaux ».
Des femmes qui
cassent les pierres depuis l’ouverture de la carrière. « Parmi les hommes j’en trouve un
qui a un énorme tas à casser. Quand il aura fini, il gagnera l’équivalent de 5.40 francs
suisses… J’ai aussi rencontré une fillette de 11 ans. Sa mère m’assure qu’elle travaille
car c’est dimanche mais que les autres jours elle va à l’école ».
Au Burkina, si l’on
veut manger, même un repas par jour, il faut trouver un travail quelconque… même celui
de forçat dans la carrière de Pissy.
Quels remèdes ? Avec 5, 6 enfants par femme, la Communauté économique des
Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), selon une estimation des Nations Unies,
constate que le taux de fécondité général pourra enregistrer d’ici 2050 environ un
milliard d’habitants. Une forte disproportion entre le taux de croissance économique
et celui de la fécondité. Le président de l’Assemblée nationale du Burkina-Faso,
Salifou Diallo, décédé en août 2017 à Paris, parlait d’une situation démographique
non maîtrisée ne permettant plus d’espérer un développement dans une telle
situation. La question de la limitation des mandats présidentiels, la sauvegarde des
acquis démocratiques et la bonne gouvernance dans l’espace Cedeao restent aussi des
questions posées sur la table des négociations. |
Février 2018
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