François Brélaz, ancien député, souhaitant en savoir plus sur
les chrétiens syriens réfugiés à Erbil décide de se rendre sur
place au nord de l’Irak. Six heures d’avion plus tard et sans
obligation de visa il trouve un point de chute dans la région
autonome du Kurdistan qui pour le moment fonctionne bien et en
paix même si Daech n’est qu’à 30 km d’Erbil.
Entretien avec Dany Schaer
L’Echo du Gros-de-Vaud. Sur place quelle a été la principale
difficulté? François Brélaz. Trouver un point de chute et
un traducteur. Après moult courriel j’ai trouvé Firas un syrien
habitant Erbil et actuellement sans travail. Le 23 mars j’avais
rendez-vous avec lui et un père jésuite français dans un hôtel à
Ankawa, un quartier d’Erbil avec une population chrétienne à
80%.
Etes-vous entré dans un camp de réfugiés ? Juste en
face de l’hôtel il y a un camp de réfugiés nommé Mar Elia dont
le responsable est le père Douglas, un prêtre chaldéen. Et pour
entrer en contact avec des réfugiés je suis allé à la messe pour
interpeller quelques personnes par « do you speak english ? Et
coup de chance je rencontre un couple parlant 3 mots d’anglais
et 2 de français. Une famille de 2 adultes et 2 adolescents dont
le père Bassam a obtenu les visas pour aller en France, à Lyon.
Ils ont commis l’imprudence de revenir en visite à Erbil et
maintenant la France rechigne à les reprendre.
Avez-vous pu déambuler librement dans ce camp ? Me
lier d’amitié avec cette famille m’a permis de constater que 112
familles, soit 420 personnes environ sont entassées dans des
conditions de vie difficile. Chaque famille vit dans un
container de 8 mètres sur 3 environ. Pour l’eau il y a des
robinets à divers endroits du camp. Les WC et les douches sont
collectifs.
Qui gère ce camp ? C’est l’église chaldéenne qui gère
le camp et pour les familles très pauvres on distribue chaque
mois un colis de nourriture. L’électricité est gratuite mais on
ne distribue pas d’argent, les gens doivent se débrouiller.
D’où viennent ces populations ? Tous viennent de
Qaraqosh, une ville en Irak à 30km à l’est de Mossoul et dont
les habitants ont fui Daech. J’ai l’impression d’avoir en face
de moi des gens en stand-by. Ils n’ont aucune idée concernant
l’avenir. Un homme me dit qu’en Europe il faut payer des impôts
alors qu’à Qaraqosh une famille vivait bien avec 500 francs
suisses par mois.
Aimeraient-ils retourner chez eux ? Certains oui mais
ils n’y croient pas trop,
Et en Europe ? Beaucoup se contentent de hausser les
épaules.
Avez-vous vu d’autres camps de réfugiés ? A Erbil et
dans les environs il y a des dizaines de milliers de réfugiés et
Bassam mon nouvel ami m’a proposé de rendre visite à de la
parenté à Kasnazan, 20 km plus loin. Les réfugiés sont logés
dans des villas jumelles, en dur mais mal construites et qui
prennent l’eau. Là aussi c’est l’entassement avec un coin
cuisine et des WC turques.
Y a –t-il de grandes différences entre les camps ? Le
lendemain nous avons été au camp d’Ashti 2. Il est immense avec
1200 familles soit plus de 5'000 personnes. Certains réfugiés
ont des voitures et je suis presque tenté de dire que ce camp
est luxueux par comparaison aux précédents. Avec douche et WC,
réservoir d’eau sur le toit et de chaque côté une petite
chambre. Un confort relatif tout de même pour des personnes qui
risquent d’y végéter pendant des années et des températures
pouvant atteindre 40 degrés en été. Un panneau indique le
soutien de Caritas suisse.
Et pour ceux qui rêvent d’Europe ? Le Consulat de
France à Erbil délivre des visas, ce qui permet aux requérants
de venir légalement en avion. Selon mes renseignements, la Suède
a une ambassade qui procèderait de la même manière. La Suisse,
elle, est aux abonnés absents…
Qu’est-ce qui vous a frappé au contact de ces gens ?
Leur ferveur religieuse. La veille de Pâques. Il y avait plus de
1000 personnes à la cathédrale St-Joseph.
Quel est votre regard aujourd’hui sur les réfugiés chrétiens
syriens ? Nul doute je retournerai à Erbil, mais il est
pénible de quitter des gens dont l’avenir est tout sauf radieux.
Je souhaiterais aider la famille de Bassam qui m’a fait
confiance et grâce à qui j’ai pu entrer en relation avec
d’autres familles.
Mai 2016
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