Suisse
Christoph Blocher, de retour au front
Après des années sous la coupole, Christoph Blocher
quitte le conseil national pour se concentrer sur les valeurs
essentielles pour notre pays - La liberté, la prospérité et la
sécurité de la population. Propulsé par une énergie inépuisable,
l’ancien conseiller fédéral, crée un projet épicé comprenant
initiatives et comité de campagne. L’homme qui croit en la
solidité d’une Suisse indépendante et neutre est en marche.
Entretien avec Dany Schaer
Le Nouveau Pays Vaudois. Pourquoi avez-vous quitté le Conseil
national? Christoph Blocher. Pour me concentrer sur mon
activité politique et les questions essentielles pour le pays.
Des valeurs qui garantissent la liberté, la prospérité et la
sécurité de la population et qui sont aujourd’hui mises en
danger par la politique menée par le Conseil fédéral et par la
majorité du Parlement. Le Conseil fédéral est en marche en
direction de l’UE et cela au mépris de l’indépendance et la
souveraineté de la Suisse. Si l’on accepte ce projet on
acceptera le droit étranger et les tribunaux étrangers et là ce
sera la fin de la Suisse. Il y aura une votation en 2016 et je
perds trop de temps au Parlement pour me concentrer sur ce
combat. Mais je reste vice-président du parti je ne vais pas
arrêter tout de suite mon activité à l’UDC. (en riant…)
Vous avez créé « Non à l’adhésion insidieuse à l’UE » de quel
genre de comité s’agit-il ? Ce comité prépare la campagne
en vue de la votation de 2016. De petites organisations suisses
en font partie. Des personnes par exemple pour la protection de
l’environnement ou des animaux qui craignent que le droit
européen ne péjore leur situation. L’ASIN et l’UDC ainsi que
plus de quatre-vingt-dix organisations sont déjà membres de ce
groupe. Ce comité doit coordonner les différentes organisations
pour lutter contre ce contrat avec l’UE. Il est aussi ouvert aux
citoyennes et citoyens qui souhaitent se joindre à nous.
Actuellement nous sommes environ 4000 personnes. Ce comité est
fondé uniquement dans ce but. Ensuite il sera dissout.
Estimez-vous l’Etat de droit en difficulté en Suisse ?
Notre initiative populaire pour faire appliquer les
décisions du peuple – le droit suisse prime le droit étranger
est un second projet. On voit que nos initiatives comme celle
concernant le renvoi des criminels étrangers, acceptée il y a 5
ans, n’est toujours pas appliquée, ni celle sur l’internement à
vie ou la protection des Alpes. De plus en plus souvent le
Conseil fédéral et le Parlement contournent l’avis du peuple.
Les politiciens ne peuvent pas diriger le pays tout seuls alors
que le souverain est dépossédé de son pouvoir. Ça ne va pas.
Notre pays est-il plus en danger qu’en 1992 ? Le
danger est le même mais plus grave. En 1992 on ne connaissait
pas encore toutes les répercussions d’une adhésion, aujourd’hui
on voit les difficultés. Je me rappelle qu’à l’époque la Suisse
était divisée, la moitié des suisses voulaient entrer dans l’UE
et aujourd’hui 84% ne veulent plus entrer dans l’UE et même en
Suisse romande. Ce sont les mêmes organisations qui à l’époque
disaient que l’on serait isolé. Mais ce n’est pas vrai. Je suis
entrepreneur de l’export et je connais la force de l’économie en
Suisse. Le bien-être des personnes dépend d’une Suisse
indépendante et neutre. Si l’on devient membre de l’UE, le
bien-être, la liberté et notre situation économique seront
détruits. J’ai déjà dit il y a 20 ans la priorité de l’Europe
devrait être des liaisons entre les états mais pas un état
centralisé. Le ministre des finances français Jacques Delors
m’avait dit à l’époque : « Je sais la Suisse n’a pas besoin
d’être membre de l’UE parce que vous avez des liaisons avec tous
les pays mais nous, nous avons besoin d’un état qui a l’argent».
Avez-vous parfois le sentiment de vous être trompé? Je
croyais que les accords bilatéraux étaient importants et je vois
actuellement qu’ils ne sont pas tous si importants. Là oui je me
suis trompé (en riant…).
Votre génie politique est-ce de vous adapter à la réalité qui
vous entoure ? Je m’engage surtout pour les plus
importants problèmes pour notre pays. Ceux dont personne ne veut
s’occuper. Les politiciens aiment parler des projets qui
contentent tout le monde. Ils n’ont souvent pas la force et
l’indépendance de lutter contre les avis divergents. Ils veulent
être aimés et ne pas être attaqués. J’ai l’avantage d’être
indépendant économiquement, financièrement et c’est pourquoi je
dois m’engager. Je n’ai pas peur pour ma carrière, et l’on n’est
pas « fichu » en cas de non-réélection.
Dans le film de Jean-Stéphane Bron « L’expérience Blocher »
avez-vous livré vos secrets ? Au début, je ne voulais pas
de ce projet et lorsque Stéphane Bron m’a dit que ce n’était pas
ma politique qui l’intéressait mais l’homme politique qui a
changé la Suisse et son influence extraordinaire, alors j’ai
accepté. De plus c’est un cinéaste qui a réalisé de très bons
films. Mais j’ai gardé mes secrets, parce que je ne les connais
pas. Ce n’est pas une biographie, ce n’est pas mon film c’est
celui du cinéaste avec son regard personnel. Je suis assez
d’accord avec l’image d’homme solitaire qui se dégage de cette
réalisation. Le film a eu un grand écho notamment en France,
plus qu’en Suisse.
D’où vous vient cette passion pour la politique ? Je
ne sais pas. C’est une nécessité alors je le fais. Mon frère,
pasteur, a dit un jour : « Christoph est comme les chutes du
Rhin, il continue toujours d’avancer et on ne peut pas expliquer
pourquoi ». Enfant, j’ai habité le château de Laufen près des
chutes du Rhin et j’ai toujours entendu ce bruit d’eau. Un
destin peut-être…
Et vous l’homme solitaire, vous sentez-vous libre?
J’aime la vie. A présent toutes les journées sont des événements
pour moi. J’aime le travail mais aussi être tranquille chez moi
le dimanche. Si l’on a beaucoup d’obligations il faut prendre du
temps pour la famille. Je ne cherche pas à me montrer et me
mettre en évidence dans des clubs services. Mais j’ai eu un
immense plaisir à contribuer au projet de l’Île de la musique de
Rheinau. Un endroit magnifique qui aujourd’hui est à la
disposition des musiciens. S’il y a une chose que je souhaite
transmettre aux citoyens de ce pays c’est qu’ils sachent être
libres. Je continue à avancer, comme l’eau…
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