En compagnie de son chien polaire Chinook, Amanda Ruch nous
rencontre au refuge dans la forêt de St-Cierges. Quand elle
parle de sa profession son regard s’illumine. Garde-forestière
du triage forestier St-Cierges et environs depuis le 1er avril
2015, fonction partagée avec Marcel Giger qui prépare sa
retraite en douceur avec un accompagnement à 50% jusqu’à fin
mars 2016, elle évoque cet univers fait de liberté et
d’exigence, d’arbre et de silence.
Entretien avec Dany Schaer
L’Echo du Gros-de-Vaud. Vous avez débuté par un
apprentissage de bûcheronne. L’héritage plus fort que tout ?
Amanda Ruch. Petite j’étais fascinée par le travail en
forêt de mon papa. Les arbres à couper, les machines, la nature
si imprévisible. J’ai appris la forêt comme on apprend à
marcher. Dès lors, ce choix est devenu une évidence. J’ai fait
mon apprentissage durant trois ans dans l’entreprise familiale à
Corcelles-le-Jorat et je n’ai jamais eu de problème même au
niveau force physique. Aux cours professionnels nous étions 3
filles et 43 garçons. J’ai pu constater que les filles
travaillent différemment que les garçons, peut-être plus avec la
tête qu’avec les bras.
Vous vous sentiez bien armée pour poursuivre vos études avec
une formation de garde-forestier ? La gestion de
l’entretien des forêts m’intéresse et j’ai suivi la formation à
Lyss durant deux ans puis j’ai été garde-forestière adjointe à
Leysin dans le cadre du Groupement forestier des Ormonts durant
une année. Je suis engagée depuis le 1er avril 2015 pour le
triage forestier de St-Cierges et environs. Mon travail consiste
à m’occuper des bois des communes désignées dans notre triage.
J’aime ce travail indépendant et en solitaire.
Avez-vous constaté une modification de nos forêts ces
dernières années ? La tendance est à la baisse pour
l’Epicéa. C’est un résineux sensible aux bostrich dès qu’il fait
chaud. Aujourd’hui nous conseillons des forêts mélangées avec du
feuillus comme l’érable et davantage de Douglas (résineux). Les
forêts mixtes sont beaucoup plus résistantes. Depuis « Lothar »
on est beaucoup plus vigilant à un mélange d’essences. Mais
malheureusement les frênes sont aussi victimes de la « chalarose
» une maladie qui sèche l’arbre et le seul moyen d’éradiquer ce
phénomène est de couper les arbres malades.
Pensez-vous qu’un parc naturel périurbain tel que projeté dans
la région est intéressant ?
Non pas dans cette région. C’est une aberration de faire des
parcs dans les seuls endroits accessibles par les machines. Dans
une forêt non exploitée les gens ne pourront même plus aller aux
champignons pour des raisons de sécurité. Un parc naturel a un
sens dans des endroits vastes comme le parc national dans les
Grisons par exemple mais certainement pas chez nous. C’est une
idée qui a été lancée sans vraiment tenir compte de l’avis des
gens du terrain.
Certaines personnes disent que l’on ne s’occupe pas assez des
forêts. Que leur répondez-vous ? On fait ce qui est
nécessaire mais on ne peut pas « jardiner » les forêts pour des
questions budgétaires. Je rappelle que les personnes qui
souhaitent ramasser du bois mort peuvent en faire la demande au
garde-forestier et ensuite venir le ramasser pour leur
consommation personnelle.
Comment sont gérées les forêts de protection ? La
Confédération accorde la priorité aux forêts protectrices et
encourage leur entretien. Un cinquième des forêts du canton de
Vaud offrent une protection efficace contre des dangers naturels
tels que les avalanches, les chutes de pierres, les glissements
de terrain, les laves torrentielles et les crues. C’est un
investissement important pour l’avenir, les soins réalisés à
titre préventif permettent d’éviter des frais ultérieurs pour
l’installation d’ouvrages de protection.
Le bois indigène est-il suffisamment exploité dans notre
canton ? Notre bois est cher et de ce fait pas assez
utilisé. Il reste un marché de niche. Heureusement il existe un
« label bois suisse» mais il faudrait davantage inciter le
consommateur et les entreprises de construction à utiliser du
bois suisse. Il manque des lobbies et une véritable volonté
politique.
Comment voyez-vous la forêt de demain ? J’espère la
même qu’aujourd’hui avec toutefois un plus grand mélange de
feuillus et résineux. Je ferai de mon mieux pour entretenir
celles qui me sont confiées. Je rappelle que le garde-forestier
est aussi à disposition des propriétaires privés pour des
conseils, le marquage de leurs arbres à couper. Ils peuvent me
contacter c’est un service gratuit.
Au terme d’une journée en forêt, quels sont les loisirs qui
vous séduisent ? La pêche, au lac et en rivière. Je
m’intéresse à l’habitat des poissons. Et la marche avec Chinook.
La nature reste ma priorité.
Amanda Ruch, garde-forestière, Triage forestier de
St-Cierges et environs, 079 517 74 34
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