Le Musée de zoologie sort de ses précieuses collections les dépouilles empaillées de
huit espèces d’animaux disparus. Une petite collection stockée depuis de nombreuses
années dans les entrepôts pour des questions de conservation. Ces spécimens fragiles
craignant les rayons UV sont exposés dans une grande boîte noire conçue spécialement
pour eux au fond du Musée de zoologie.
On entre dans ce tunnel sombre avec respect. Ces animaux disparus sont présentés
dans la pénombre d’un éclairage à 50 lux. « La plupart de ces espèces se sont
éteintes entre 1800 et 1850, le plus souvent à cause de l’activité humaine »,
explique Olivier Glaizoz, conservateur et commissaire de l’exposition, avant de
s’arrêter devant le Grand Pingouin. Dressé sur ses pattes arrière et figé pour
l’éternité son histoire est particulièrement triste. « C’était un oiseau de mer qui
ne venait sur terre que quelques semaines par année, pendant la période de
reproduction. Incapable de voler, et donc très vulnérable. Il fut intensivement
chassé pour sa viande, ses plumes et ses œufs. Une fois devenu rare il fut convoité
par les collectionneurs pour servir de trophée. Les survivants vivaient sur une île
inabordable, vers l’Islande. Quand cette île fut engloutie en 1830, la colonie s’est
installée sur l’île d’Eldey, facilement accessible. En 1844, un marchand a étranglé
le dernier couple « on raconte qu’il y avait un œuf et qu’il a été écrasé, raconte
Olivier Glaizot. J’ai la voix qui tremble quand j’en parle… ».
Plus discrets, mais tout aussi tristes, le Pigeon migrateur, la Perruche de la
Caroline, l’Huia dimorphe, le Bandicoot à pied de cochon, Pic à bec d’Ivoire,
Etourneau de la Réunion et même la Féra du Léman, un poisson corégone qui coulait
des jours heureux dans le Léman jusqu’à la fin du 19e siècle. Sa pêche industrielle,
la surpêche malgré des mesures de protection conduisit à sa disparition au début des
années 1920. Toutes les tentatives de reproduction en captivité ont échoué. Les
autorités suisses et françaises autorisèrent donc l’introduction annuelle de 2,5 à 3
millions d’alevins de Palées entre 1923 et 1928. « Cet autre corégone, originaire du
lac de Neuchâtel, remplace alors la Féra et en prend le nom mais en fait on mange de
la Palée » précise le conservateur.
Combien d’espèces ont disparu de la surface de la planète? « Difficile à
évaluer mais selon le WWF la population des vertébrés sauvages a diminué de 60% au
cours des cinquante dernières années. C’est gigantesque ! Il faut savoir que quand
il reste qu’une vingtaine d’individus sur terre, on est pratiquement certain que
l’espèce va disparaître, ajoute Olivier Glaizot.
Et que fait la Suisse? 26’500 espèces animales sont en voie d’extinction et
255 espèces indigènes, tous groupes confondus, ont disparu de la carte helvétique.
La Suisse se révèle mauvais élève. Selon le WWF, le pays compte la part des espèces
menacées (végétaux, animaux et champignons) la plus importante au monde. Surpêche,
braconnage, destruction de l’habitat naturel, pollutions. Et pourtant on est un pays
qui a les moyens de montrer l’exemple.
L’extérieur du tunnel est utilisé pour exposer les mécanismes de disparition
d’espèces. Finalement, une fresque gigantesque, habillant l’ensemble des murs de la
salle d’exposition, présente l’arbre du vivant et nous rappelle que la biodiversité
ne s’arrête pas aux quelques dizaines de milliers de vertébrés, mais comprend
également un nombre important de plantes, de champignons, de bactéries ou
d’organismes unicellulaires et microscopiques qui participent aux millions d’espèces
aujourd’hui recensées sur terre.
Commentaire - On ne sort pas indemne de cette exposition. Le Climat, la
protection de notre environnement, des sujets brûlants d’actualité. Les conséquences
de nos comportements se traduisent sur des situations irrémédiables. Alors oui la
Suisse peut et doit faire mieux.
Disparus ! Dès le 12 avril 2019. Ma-je 11h-18h/ve-di et fériées 11h-17h,
entrée gratuite. Musée de Zoologie, Palais de Rumine, place de la Riponne, 1014
Lausanne.
Dany Schaer
Avril 2019
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